M MAGAZINE, supplément du MONDE – 02.11.2013

Shirley Wegner 

La guerre pour de faux 

 

De loin, on dirait la photo d’un paysage de guerre: une explosion nocturne avec de gros panaches de fumée planant au dessus des lumières de la ville. Mais de près rien ne colle. Ces volutes chatoyantes, si rondes et si lumineuses, sont étranges. L’eau noire au premier plan scintille trop nettement. Un examen supplémentaire apporte quelques informations: les nuages sont suspendus à un fil, des agrafes surgissent dans le panorama! Mais le regard n’éteint pas complètement le mystère. Est ce de la peinture? De la photographie. L’image têtue résiste. Shirley Wegner met des mois à composer ses installations dans son atelier, à partir de matériaux triviaux (coton, papier, carton) qui ne prennent sens qu’une fois photographiés.

« J’apporte tous les éléments, mais c’est l’appareil photo qui crée un orchestre », dit l’artiste qui a commencé dans la peinture. Ses illusions séduisantes, toujours plausibles mais jamais totalement réalistes, sont exposées à la galerie Farideh Cadot. On peut y lire les souvenirs à la fois vifs et flous qu’elle a rapporté d’Israël, son pays d’origine, aux Etats-Unis, où elle vit. Mais aussi une allusion à toutes ces photos de guerre qui s’impriment dans notre mémoire collective.

Par CLAIRE GUILLOT