LIBERATION – 23.04.2015

Bogdan Rata, le corps du délire

Bogdan Rata n’est pas un chirurgien raté qui se serait converti à la sculpture pour continuer à opérer sur des carcasses en souffrance. Né en 1984 à Baia Mare, en Roumanie, l’artiste étudie la sculpture à l’université de Timisoara, en prenant tout d’abord son propre corps comme modèle. Par la suite, il va poursuivre son travail sous forme d’étude en grandes dimensions de fragments de corps ; avec une précision quasi chirurgicale, il découpe des bras, des pieds, des coudes, des torses, qu’il juxtapose ultérieurement, jonglant avec les proportions parfois surdimensionnées — comme Handgun, exposée à Bucarest — parfois réduites, qu’il expose actuellement à la galerie Farideh Cadot.

Ensuite, il les peint à la main avec des pigments industriels, qu’il rehausse par endroits de petites touches de crayons de couleurs quasi imperceptibles. Les combinaisons donnent naissance à de nouvelles formes, hybrides et souvent absurdes, comme ces corps enlacés dépourvus de têtes (The Garden, 2014) recouverts de terre noire, des ailes formées par deux avant-bras (Wings, 2015), deux plantes de pied réunies par une poignée de sel (The Slit Light, 2015)… Morbides, exacerbées mais le plus souvent poétiques ou ludiques, ces reliques humaines nous projettent dans un univers onirique et mystérieux.

par Dominique Poiret

Libération – 23.04.2015