LE QUOTIDIEN DE L’ART – 28.11.2013

Numéro 495

Shirley Wegner, 

un travail à double fond

 

À première vue, ce sont des explosions soufflant leurs volutes de sale fumée. À première vue seulement. Car dès que l’on s’approche des photos de Shirley Wegner, on se dit que quelque chose cloche. Et pour cause. L’artiste d’origine israélienne a patiemment composé dans son atelier de grandes maquettes simulant des déflagrations. La fumée? Du coton noirci. Le ciel ? Un fond peint. Le procédé n’est pas sans rappeler celui de Thomas Demand qui lui aussi élabore des mondes hyperréalistes qu’il photographie par la suite. À la différence près qu’une fois les constructions achevées dans son atelier, Shirley Wegner fait appel à un photographe pour la prise de vue. Comme pour imposer une distance et un filtre. Comme pour se défier elle-même de cette reconstruction minutieuse mais forcément tronquée et faussée du souvenir, celles des explosions qui sont le lot quotidien de ses compatriotes. Où est  la mémoire collective ? Quel est le degré de fiction ? Autant de questions que distille en filigrane ce travail à double fond.

Par ROXANA AZIMI